Asteya, profitons sereinement de l’existant

Après quelques semaines de pause (hum…!), reprise de nos articles sur les yama.
Pour celles et ceux qui prennent le train en route (et qui n’auraient pas lu notre précédent post sur les huit branches du yoga, ni ceux sur Ahimsa, Satya ou encore Santosa (du retard sur les yama, de l’avance sur les niyama – va comprendre)) : sachez simplement que la philosophie du Yoga commence par les yama, code de conduite pour mieux vivre en société. Ils sont composés de cinq points principaux, même si on peut en trouver davantage dans le Hatha Yoga Pradipika (qui sait ? Si on vient au bout des cinq principaux avant 2025, peut-être ira-t-on explorer les autres ?) (hé hé ! histoire de se donner encore un peu de grain à moudre).

Bref, revenons-en à nos moutons…

Le troisième yama est asteya, l’absence de vol, et au-delà (spoiler alert) la non-convoitise.

Asteya se rapporte à l’aphorisme II-37 des Yoga Sutra : « Asteya pratishthayam sarva ratna upasthanam. » (« Quand le désir de prendre disparaît, les joyaux apparaissent. »)

Bon, là, il y a quand même un truc à creuser : si je cesse de désirer, ce sera l’abondance ?! De prime abord, il semblerait qu’un truc cloche. Mais…

Asteya
c’est effectivement ne pas s’approprier par le vol ce qui appartient à autrui. Exit la convoitise matérielle (même un croque en loucedé dans le cookie de ta sœur) (au hasard), tout comme on ne s’approprie pas les idées des autres. Si on tombe sur une citation qu’on a envie d’utiliser, et bien il suffit de rendre à César ce qui lui appartient en le créditant. Asteya revient à faire preuve d’honnêteté, et peut ainsi considérablement améliorer nos rapports aux autres.

Tenons-nous en aux biens matériels : ce que nous convoitons est-il bien nécessaire/utile/indispensable ?* Pourquoi convoitons-nous ? À quel besoin le fruit du désir répond-il ? Si on écarte l’objet de désir, que se passe-t-il ? Comme le dit si bien Christophe André : « Le bonheur n’est pas toujours lié à la satisfaction de nos désirs. Parfois, il nous tombe dessus alors que nous n’avions rien demandé, rien cherché, rien espéré. Parfois, même la satisfaction de nos désirs ne nous comble même pas: c’est le bonheur triste de l’enfant gâté, qui à peine gâté repart en quête d’un autre objet, en proie à la démangeaison chronique et affreuse de l’insatisfaction. Quand désirer nous donne plus de bonheur que savourer, c’est que nous avons encore du travail à faire sur le bonheur… » Et voilà que santosa apparaît: la capacité à profiter de ce que nous avons, en prenant conscience que nous portons en nous tout ce dont nous avons besoin, est la clé vers le bien-être et la paix intérieur. En demeurant dans le contentement, la gratitude vis-à-vis de ce que la vie nous offre, nous cultivons la pure joie d’être là.

Au fond, asteya nous invite à penser par nous-même, à nous faire confiance, à apprécier ce que nous sommes et ce que nous possédons. En général, la convoitise découle simplement d’une sensation de vide, d’une peur de ne pas être assez et d’un besoin de combler ce « vide » intérieur. Le but est d’éliminer toutes les tentations d’appropriation : ne plus avoir besoin de prendre, c’est être capable de faire tomber ses défenses et d’accepter la vie dans ce qu’elle a d’imprévisible. De se montrer aussi tel que l’on est.

Pour saisir la portée du propos de Patanjali (« Quand le désir de prendre disparaît, les joyaux apparaissent. »), il faut voir cette notion dans une acceptation plus large que celle des possessions matérielles. Libéré de l’envie de posséder quoi que ce soit de superflu/inutile, un monde s’ouvre à nous. Celui dépeint par Thoreau : un endroit où l’on est capable de savourer la beauté du monde, de se satisfaire du nécessaire sans courir éperdument après toujours plus.

« Ce qu’il y a devant nous et ce que nous laissons derrière, ceci est peu de chose comparativement à ce qui est en nous. Et lorsque nous amenons dans le monde ce qui dormait en nous, des miracles se produisent. »

C’est là qu’apparaissent les joyaux de Patanjali : dans cette forme de libération qui nous permet de nous connecter à l’essentiel. Nous épargnant l’illusion du pouvoir, de la richesse et de la renommée (tout ça à la fois, oui oui!)

Quelle place donner à Asteya dans sa pratique du yoga ?

Asteya commence lorsque nous savourons une posture et lorsque nous avons l’honnêteté de ne pas vouloir ce pour quoi nous ne sommes pas encore prêts, ou faits. On s’évite pas mal de déconvenues et aussi de risques de blessure lorsque l’on a compris ça. Dans ses cours, Mathieu Boldron aime à répéter que lorsque l’on voit un yogi faire quelque chose de dingue, il nous suffit de nous enthousiasmer pour ce que nous avons pu accomplir, dans le corps d’un autre (#nousnesommesquun).

Comme le rappelle très justement Bernie Clark dans ses livres : toutes les postures ne sont pas faites pour tous les corps.

Évitez de vous comparer aux autres et de vous critiquer quand vous pratiquez. Vous vous volez vous-même en vous sous-estimant et en désirant les capacités physiques d’autrui. Une attitude sans désir illusoire procure un sentiment de grande richesse, et vos séances seront bien plus bénéfiques. Avec la sensation d’avoir l’essentiel, tout ce qui vient en plus est reçu comme un cadeau et dans la joie. La pratique d’Asteya guide le Yogi à reconnaître sa propre valeur. Apprenez à sentir ce dont vous avez vraiment besoin. Faites apparaître les joyaux !!!

*Relire au passage l’article sur le minimalisme (c’est par ici).

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