Journal de bord : Yin Yoga Teacher Training, Bernie Clark, Vancouver, B.C.

Dans la vie, il y a des évidences que l’on ne peut pas refuser : le Yin Yoga en est une.
C’est lorsque j’ai décidé de devenir professeur de yoga et que j’ai commencé à explorer différentes approches que j’ai découvert cette discipline. En allant à un cours de Philippe Beer-Gabel. Une petite révolution s’est mise en marche ce jour-là.
Quand j’ai appris que Philippe animait une formation avec Anne-Gaëlle Guillot, j’ai foncé tête baissée et me suis inscrite aussitôt.
Mathieu Boldron et Lomey Yoga Studio m’ont soutenue et poussée depuis que j’ai commencé à enseigner cette discipline dans leur espace. Après un premier 10 heures intensif l’automne dernier (un stage sur un week-end, destinés aux curieux qui veulent développer leur pratique), un autre se profile au printemps (les 13 & 14 avril).
Cerise sur le gâteau, en mai j’animerai la première formation de Yin Yoga du studio ! J’avais en tête depuis un moment de compléter mon apprentissage auprès d’une des grandes figures de la discipline. La proposition de Mathieu a déclenché l’envie de le faire rapidement et je me suis donc inscrite au training de Bernie Clark et Diana Batts (in English please !)(Yes indeed!)

Day #1 – lundi 11 février 2019
Arrivée samedi pour avoir le temps de m’adapter au décalage horaire (je ne sais pas ce que j’ai cru, mais oui, j’avais du fumer un peu la moquette), et profiter du dimanche pour faire un peu de tourisme (j’avais oublié de regarder la météo des neiges ! et j’ai rapidement changé mes projets)… Côté jetlag, c’est assez bien joué. Aucun besoin de programmer un réveil : à 3 heures du matin, j’étais réveillée (j’en « profitais » pour lire) et à 4 heures je suis sortie du lit pour prendre un premier café (mmmm…)
Début de formation à 7 heures. Traditionnel cercle d’ouverture. Nous sommes quarante-cinq participants, venus d’un peu partout. La pratique du matin a été de courte durée, mais j’ai eu le temps de découvrir le plaisir de pratiquer avec des sacs de sable. Et, comment dire ?!

(OMG ! j’en commande avant même mon retour à Paris !!!)

Après une pause petit déjeuner de 9h à 11h, cinq heures de cours magistral (ce qui sera grosso modo le rythme de lundi à vendredi).
Dit comme ça, avec seulement trois heures de sommeil à mon actif, on pourrait s’attendre à ce que j’aie piqué du nez sur son manuel de formation. J’ai littéralement bu les paroles de Bernie Clark. Le discours est certes rôdé, et comme il le dit lui-même : il est à la fois teacher et entertainer. La méthode est efficace : une fois abordées les notions de Yin/Yang, il a développé pendant quatre heures les limites que le pratiquant peut rencontrer dans sa pratique. Rappel ? Le premier principe du Yin est de venir à la frontière, cette zone où le corps s’arrête naturellement quand on entre dans une posture. La question à laquelle nous avons tenté de répondre est : qu’est-ce qui m’arrête ?

Everything I am going to share with you is not true, but it might be useful. Bernie Clark

L’objectif est donc de dresser une carte qui permettrait de baliser le terrain. Les réponses sont multiples : les muscles, les tendons, la forme du squelette, les fascias, et d’autres facteurs encore se combinent et empêchent la progression dans une posture. Mais comme la PNL aime à le rappeler : « la carte n’est pas le territoire ». L’approche que nous avons aujourd’hui du corps correspond à la somme de connaissances accumulées au cours des siècles, à la vision que nous en avons et à la manière dont il fonctionne. Il faut accepter d’abandonner certaines idées que nous chérissons comme étant des vérités absolues. Avant toute chose, comprendre que la représentation que nous en avons est basée sur des statistiques, des moyennes, que le corps représenté dans les livres d’anatomie n’existe pas, ne correspond à personne. Nous sommes aussi différents à l’intérieur que nous le sommes à l’extérieur. Nous sommes tous uniques.
D’autre part, dans la représentation du corps, les différentes parties sont représentées comme un puzzle. Mais de la même manière qu’il est impossible de voir à quel moment le jaune devient orange, puis le orange rouge quand on observe un arc-en-ciel; les tissus se transforment dans le corps. Le fascia devient du tendon qui se transforme à son tour en os… De manière générale, il peut être assez cohérent de ne pas envisager son corps comme des parties assemblées entre elles. Toutes ces parties communiquent, se répondent… Les connaissances évoluent particulièrement autour des fascias, véritable réseau à l’intérieur du corps. Matrice sublime qui englobe toutes les parties du corps, comme une seconde peau…

Fascia is a collection of stiff and elastic fibers and water filled vacuoles which form a 3D body-stocking that invests and supports all other tissues. – A definition of fascia by Bernie Clark

Granville Island

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Day #2 – mardi 12 février 2019
La formation commence à 7h. Passé ce moment, le studio verrouille les portes pour vingt minutes, temps consacré à la méditation et au chant (Gayatri Mantra). Mon bus a mis une éternité à arriver, j’ai couru sous la neige (enfin : un sac-à-dos digne d’une carapace de tortue, et les trottoirs bien enneigés ont copieusement freiné ma course). Arrivée en stress à 6h58 : les conditions sont idéales pour se détendre ! Une fois les fesses sur le tapis, j’ai pu focaliser mon attention sur la sensation de brûlure que j’avais dans la gorge, c’était déjà ça !

Cette méditation-la, je ne suis pas prêt de la revivre… (à moins que je sois à nouveau en retard demain matin.)

L’intention pour la pratique de ce matin visait à sentir l’énergie circuler dans le corps. Et comme dit Bernie : « If you don’t feel, just PRETEND! » Après l’enchaînement Yin, autour des hanches – la Grenouille, le Lacet, le Cygne et un cycle du Dragon – nous avons effectué The Golden Seed (qu’il tient de Paul et Susie Grilley), une séquence Yang dynamisante.

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Zones de tension et compression dans le Cobra.

Hier, Bernie avait annoncé qu’au cours de cette formation, nous allions explorer les cinq phases du deuil : déni, colère, marchandage, dépression et enfin acceptation. J’avais commencé ce processus avant mon départ, en lisant ses livres : Your body Your Yoga, Your Spine Your Yoga. Je suis actuellement en pleine phase de dépression : comment enseigner désormais ?!
En continuant à explorer les effets physiologiques de la pratique sur le corps, il a été question de cerner les différents freins à la posture : tension ou compression ? S’il s’agit de tension, la résistance se fait dans le sens opposé au mouvement (par ex, je veux entrer dans la Cobra. Je commence à prendre appui sur mes mains, et tout l’avant de mon corps tire, je ne peux pas monter plus haut : il y a tension.) Cela peut être travaillé : avec le temps, en assouplissant ou en redonnant de la longueur aux structures qui limitent le mouvement (ici peut-être les abdos), il est envisageable de gagner de la mobilité.

Les processus vertébraux de Léon sont en contact. Il n’ira pas plus loin. Ceux de Jeanne également, mais leurs formes étant différentes, elle semble mieux maîtriser la posture que lui.

En cas de compression, je suis bloqué dans le sens du mouvement (même posture : je sens un blocage dur et une sensation très forte de pression dans le dos).
Il existe de multiples causes de tensions : elles peuvent être liées à des tensions de surface (la peau tire), aux muscles, aux fascias, aux ligaments. De la même manière, les compressions peuvent être dues à des parties du corps qui sont entrées en contact (chair contre chair, dans ce cas aucune douleur), à un membre qui rencontre une structure osseuse, ou encore à deux os qui buttent l’un contre l’autre (là, il peut y avoir une gêne très notable, voire de la douleur). Aucun progrès ne peut être escompté : on est arrivé au bout du chemin pour cette posture.
En fin de journée, l’exploration de l’amplitude du mouvement a démarré. Tous les corps sont différents. De l’extérieur. De l’intérieur aussi. Les articulations vont donc avoir des formes propres à chaque personne. Et par là-même, la forme que nous allons pouvoir donner à nos asanas, Yin ou Yang, nous sera propre.
Ouch! La suite pique énormément (mon petit cœur de prof saigne encore terriblement en écrivant ceci) : les alignements que nous apprenons en formation correspondent eux aussi à un corps qui n’existe pas. Celui des livres d’anatomie. Et les cues (ces conseils d’alignement) que nous apprenons et répétons à l’envi ne sont pas adaptées à tous les morphotypes. Argl ! Pour rendre les choses encore plus douloureuses, Bernie a même fait exploser en vol un principe de base pour moi, une sorte de clé de voûte : pour corriger quelqu’un, on part des pieds pour remonter petit-à-petit, replaçant le corps dans un alignement correct. Oui, sauf qu’en fonction de la forme des os, les angles ne seront pas les mêmes pour tous. Et qu’en obligeant quelqu’un à placer les pieds parallèles dans Tadasana par exemple, on lui fait peut être exercer une pression excessive sur les hanches. On l’abîme sans le savoir.


Ce qu’il faut se demander avant tout : quelle est notre intention dans une posture ? Construire de la force ? Créer de l’espace en allongeant les tissus ? Stresser les articulations pour les stimuler et maintenir le corps en bonne santé ? En fonction de tout cela, plein d’options sont bonnes. Tant que le pratiquant n’a pas mal ! Le mantra de tout pratiquant de Yoga doit rester « no pain no pain »! C’est simple finalement… Charge aux professeurs de guider les pratiquants vers une prise de conscience de ce qu’ils recherchent, de ce qui est bon pour eux. En oubliant un peu l’aspect esthétique des asanas pour se concentrer sur leurs bénéfices. N’est-ce pas pour cela que nous faisons du Yoga en premier lieu ?

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Day #3 – mercredi 13 février 2019
Si l’inexistence du temps reste sujet à controverse (cadeau : un article de Usbek & Rica à ce propos), sa relativité est très facile à admettre. En fonction de notre concentration, de notre plaisir à faire (ou pas) quelque chose, de l’émotion suscitée par un événement, sa « durée » sera personnelle.
Ce matin, Diane Batts a animé la pratique. Méditation suivie du Gayatri Mantra avant de démarrer en Sphinx (la version Yin du Cobra – cf. les vignettes sur tension/compression de Day 2), sa posture de prédilection pour le début d’une séance (elle considère qu’après la phase d’introduction où les jambes ont été beaucoup sollicitées par l’assise en tailleur, il est bon de leur faire faire un break).
Ensuite se sont enchaînées trois postures d’ouverture des épaules (dont une très cool que j’ai hâte de faire découvrir à mes élèves !!!), un mini cycle du Dragon, la Demie-Selle, la Torsion au sol, puis Savasana.
Huit postures en tout. Pour une pratique de 95 minutes. Comme aime à le rappeler Bernie : il vaut mieux faire moins de posture en Yin, et rester plus longtemps dans chaque. Il y a plus de bénéfices à tirer de cette manière de procéder.

Less is more.

Chaque jour, Bernie et Diane écrivent la séquence sur un tableau, pour que nous puissions la conserver. Ils précisent systématiquement le temps passé dans chaque posture (ainsi que la playslist diffusée). Stupeur de votre dévouée en découvrant que nous avons mariné pendant 12 minutes dans le Sphinx. Douze minutes : c’est quatre fois plus que ce que je propose en moyenne par cours (ceci dit, sur un cours d’une heure, si je consacrais 1/5e à une posture, je me demande comment réagiraient les pratiquants !)
Pour en revenir à ces douze minutes (!!!) j’ai effectivement eu l’impression que c’était un peu plus long que la « moyenne » mais guère plus. S’il avait fallu tenir une flexion de hanche aussi longtemps (au hasard : le Dragon) j’aurais probablement moins apprécié.
Finalement, les postures de Yin sont un peu à l’image du sablier de Slughorn dans Harry Potter : ce sablier dont le sable s’écoule à une vitesse qui dépend de la qualité de la conversation et du plaisir qu’on y prend !

– Qu’est-ce qui freine ce bonhomme de neige dans sa flexion avant? – Et bien… il faut lui demander où il ressent de la résistance ?

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Day #4 – Valentine’s Day
Dans la ville de Kapilavatthu (quelque part à l’ouest du Népal), six cents ans av. J.-C., Siddhartha Gautama naquît dans une famille très aisée. Son père était un des notables qui dirigeait la ville. Peu de temps après sa naissance, un Yogi vint demander à voir l’enfant. À cette époque, les Yogis étaient redoutés car ils possédaient de très grands pouvoirs, et mieux valait les satisfaire. Quand on lui apporta le bébé, il se mit à pleurer. Le père de Siddhartha s’en étonna, et le Yogi expliqua alors que le jeune garçon était promis à un grand avenir : il serait l’Éveillé. Le Bouddha. Suddhodana espérait bien que son fils deviendrait un grand roi, et décida donc de le tenir à l’écart du monde. Il ne tenait pas à ce qu’il embrasse une vie d’ascétisme. Siddhartha grandit donc à l’abri des peines et souffrances du monde, dans l’enceinte du palais paternel.
Cependant, il finit par être confronté à la souffrance, sous plusieurs formes. La tradition affirme que plusieurs rencontres changèrent sa vie : un vieillard lui fit prendre conscience de la souffrance du temps qui passe ; un malade lui apprit que le corps peut également souffrir et un cadavre lui révèla l’existence de la mort. Il décida alors de quitter le palais (renonçant à sa vie de jeune époux et père) afin de comprendre comment débarrasser le monde de la souffrance, dont il ne tolèrait pas l’idée. Il se rendit auprès de divers maîtres de son époque, afin d’apprendre d’eux. Il eut pour maître le brahmane Arada Kalama, mais ce qu’il apprit ne lui suffit pas. Il se rendit auprès d’un second maître Udraka Ramaputra. À nouveau, le Bouddha ne trouva pas là la voie du Nirvana.
Pendant six ans, il pratiqua les austérités avec cinq autres ascètes méditant. Après s’être presque laissé mourir de faim, il comprit que la réponse n’était pas dans l’ascétisme. Il reprit la route. On raconte qu’une nuit, il s’installa au pied d’un arbre et décida qu’il ne bougerait pas de son emplacement tant que l’illumination viendrait pas à lui. Il était alors âgé de 35 ans. Toute la nuit Māra, le démon de la mort et des passions, tenta de le sortir de sa méditation. À l’aube, Siddhartha devient le Bouddha et il décida de transmettre aux hommes un chemin pour sortir de la souffrance.
La souffrance fait partie inhérente de la vie (spoiler alert). Si vous êtes en vie, vous allez souffrir parfois. Sous des formes très différentes (physiques, émotionnelles, psychologiques et spirituelles). Bien sûr, nous n’éprouvons pas toujours de la souffrance. La vie est faite de moments où tout va bien, ou même d’autres où nous éprouvons beaucoup de joie et de bonheur. Mais la douleur et la souffrance peuvent apparaître. Il faut faire une distinction entre la douleur et la souffrance. Le Bouddha expliquait la différence entre les deux par cette anecdote :
» Un jour, un homme reçu une flèche. Quelle fut la sensation de cet homme ? » demanda-t-il à ses disciples.
» De la douleur ! » répondirent-ils.
» Tout à fait… Maintenant, le malheureux reçut une seconde flèche. Quelle fut alors sa sensation ? »
» Bien pire ! » répliquèrent-ils.
» Exactement ! » acquiesça alors le Bouddha. » La seconde flèche porte le nom de Souffrance. »
La souffrance est la réaction que nous nous imposons lorsque nous recevons une première flèche. Si nous contemplons la douleur encore et encore et passons notre temps à y penser, nous nous imposons de la souffrance.
Notre pratique du Yin est un excellent moment pour prendre conscience de cela. Lorsque nous restons dans une posture longtemps (au hasard, la Libellule, le grand écart facial du Yin) au bout d’un moment, des sensations émergent. La manière dont nous accueillons ces sensations, dont nous les tolérons, ou pas, va renforcer la douleur et transformer la situation en souffrance parfois insupportable. Alors que si nous prenons la situation pour ce qu’elle est, que nous l’acceptons et que nous explorons les sensations sans en faire une montagne, nous pouvons nous soustraire du jeu du mental, et ne pas basculer dans quelque chose qui nous dépasse. Accepter la douleur sans ressentir de souffrance.
Et si nous réfléchissons à d’autres aspects de notre vie, nous pouvons sûrement transposer cette vérité à d’autres situations. Ce qui se déroule sur un tapis de Yoga est une métaphore de la vie. Nos façons de réagir, ce que nous nous racontons, la manière dont nous nous laissons influencer par le jeu du mental, par notre petite voix intérieure : tout est là, sur l’espace balisé par notre tapis, à chaque pratique !
En nous racontant tout cela, Bernie Clark nous a fait tenir la posture de la Libellule quinze minutes…

Libellule, aka Straddle

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Day #5 – vendredi 15 février 2019
Pour expliquer la vie, nous aimons les repères, les balises qui nous montrent la voie. Le chemin que d’autres, passés avant nous, ont tracé pour nous aider à comprendre et appréhender le monde ; et aussi nous montrer comment vivre. Enchevêtrement considérable de connaissances, compréhensions, représentations, mâtinées de traditions culturelles qui nous nourrissent et forgent les personnes que nous devenons. Nos univers intérieurs se forgent au gré d’impulsions extérieures : le lieu où nous naissons, la culture dans laquelle nous sommes élevés, les traditions qui nous sont transmises, les valeurs que nous faisons nôtres.
Les mythes et les histoires qui passent de générations en générations sont autant de représentations symboliques qui forgent les sociétés disséminées partout dans le monde, et qui impactent notre relation à notre environnement et à la Nature. Cependant, « la carte n’est pas le territoire. » Je reprends cet adage cher à la Programmation Neuro Linguistique* pour en conserver le sens le plus large : les représentations que nous faisons du monde ne sont évidemment pas le monde réel, celui de la vraie vie, puisque soumises aux filtres qui leurs sont appliqués (culturels, collectifs comme personnels).

Une vision de Vancouver, pour les personnes qui adorent les sandwiches !

Depuis cinq jours, Bernie Clark nous soumet différentes visions du corps, différentes visions de la méditation, différentes visions de la circulation de l’énergie. (Ne revenons pas sur la représentation du corps humain en anatomie, cartographie qui permet d’en expliquer le fonctionnement, indispensable à la transmission des connaissances mais malheureusement parfois impropre à l’application individuelle – oui, je suis toujours en plein deuil : même si j’approche de l’acceptation.)
Son objectif ? Nous permettre de garder un esprit critique en permanence. Ne jamais rien prendre pour acquis. Rester curieux et se remettre en question. Comme il le répète à l’envi :

Never is never right.
Always is always wrong.

Il aime utiliser l’anecdote du Starbucks : tu te balades dans une nouvelle ville et tu cherches un café. Tu ouvres Google Maps. En te promenant, tu lèves le nez, et t’aperçois qu’il y a un Starbucks juste à l’angle de la rue. Mais il n’apparaît pas sur Maps. Qui a raison ? Toi ou la carte ? Sans en avoir nécessairement conscience, nous suivons nos cartes et prenons pour argent comptant ce qu’elles nous indiquent. Parfois, la vraie vie nous indique d’autres possibles, qui ne sont pas encore répertoriés. Que devons-nous alors croire ?! Transposé à la notion de l’énergie, ceci peut aller très loin… mais c’est une autre histoire, pour demain !

* Cette formule vient du mathématicien polonais Alfred Korsysbsky (1933) qui a écrit que la perception du monde – le territoire – passait par l’intermédiaire de nos cinq sens : la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat et le goût. On prend ces stimuli externes pour s’en faire une représentation interne dans notre cerveau, la carte. Nos sens nous bombardent de plus de stimuli que ce que notre conscient peut retenir. Nos filtres travaillent pour retenir ce qui est essentiel pour nous, au moment où ça se passe. En plus du filtre de nos 5 sens, la réalité passe également par le filtre de nos valeurs, nos croyances, nos souvenirs, notre culture, notre éducation, etc. Notre vision du monde, notre carte, ce que nous considérons comme NOTRE réalité est donc le résultat de notre machine à filtre. Et nous avons tous notre propre machine.

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Day #6 – samedi 16 février 2019
(Avis aux sensibles âmes cartésiennes qui rôderaient dans les parages : passez votre chemin ou vous risquez de saigner des yeux d’ici quelques lignes.)
Lorsque l’on commence à s’intéresser d’un peu plus près à la carte du Yoga, la question de la circulation de l’énergie se pose. La pratique permet d’intervenir sur celle-ci de deux manières : en réduisant les blocages et en la stimulant. Bon. Mais que mettre derrière le terme d’énergie ?
Où se trouve la vie, se trouve l’énergie. Toutes les cultures s’accordent sur cette évidence. En fonction des cartes du monde propres à chaque culture, la manière dont cette énergie se manifeste peut cependant varier. C’est entre Orient et Occident que les avis divergent le plus. Le Yoga tend cependant à jouer les passerelles !
Dans la tradition Yogique, l’énergie qui sous-tend le vivant est appelée Prana (avec un grand P) qui signifie littéralement « force de vie ». Le Prana circule dans le corps grâce aux cinq vayus (ce terme sanskrit signifie « air » et représente les différentes manifestations du mouvement en nous). Le Yoga fait également référence aux Chakras (ces roues symboliques qui stockent le Prana et lui permettent de circuler harmonieusement). Lorsque l’énergie circule librement dans le corps et à travers ces roues, le pratiquant peut espérer atteindre l’état de Samadhi, cette connexion sublime au Grant Tout.
Dans le Taoïsme, autre tradition orientale, cette énergie subtile est appelée Chi, ou Qi. Elle prend des formes très différentes, et la Médecine Traditionnelle Chinoise a tellement peaufiné sa carte et sa compréhension des mouvements de circulation de l’énergie que son objectif est simplement de permettre aux gens de ne pas tomber malade. On consulte un praticien pour rester en bonne santé, pour maintenir l’équilibre.
Ces approches sont très différentes de celles que l’on trouve en Occident, où les plus récentes représentations du corps ont choisi de s’en tenir à la matière : ce qui n’est pas visible ou mesurable n’existe pas. C’est simple.

Depuis des siècles, on dissèque les corps pour comprendre comment ils fonctionnent, comment les réparer. On soigne les maladies grâce à des molécules. Dans nos esprits cartésiens, il est difficile d’admettre que d’autres formes de soins existent, en agissant sur des niveaux plus subtils. Pourtant, lorsque la médecine peine à guérir, il n’est pas rare que les malades aient recourt à d’autres méthodes de soin pour recouvrer la santé (acupuncture, acupression, Reiki et toucheux et guérisseurs en tous genre). Il est paradoxalement plus acceptable de penser que quelqu’un s’est auto-persuadé qu’il allait guérir, ce qui signifie tout de même que la puissance du mental est intervenue sur sa matière… passons…)
On sait qu’il existe quatre manières de stimuler l’énergie : l’acupuncture, l’acupression, la prise de conscience/l’observation, et la respiration. Par le biais du Yoga, nous utilisons les trois dernières. L’acupression stimule les tissus et leur permet de se régénérer ou bien de se nettoyer (la compression des os stimule les ostéoblastes, cellules qui créent de la matière osseuse). La concentration permet d’envoyer l’énergie dans une partie du corps (fermez les yeux et pensez très fort à votre annulaire gauche, alors ? il est plus présent au bout de quelques respirations non ?). La respiration focalisée sur une zone du corps permet de générer de la détente en favorisant l’envoi d’oxygène et la stimulation physiologique.
Le Yin Yoga va encore plus loin : à la croisée des chemins, il rassemble différentes traditions. Par les jeux de compressions et tensions exercés sur le corps en restant longtemps dans les postures, le métabolisme est stimulé (Aaaaaaaah ! les cartésiens sont contents : il est scientifiquement prouvé que le stress appliqué aux tissus leur permet de rester en bonne santé. C’est quantifiable !) Les pressions sont également à même de stimuler des points précis sur les méridiens ou de libérer des blocages dans les tissus profonds : l’énergie peut recommencer à circuler convenablement !
L’Ouest s’interroge depuis des années sur l’approche orientale de la circulation de l’énergie, cherchant à comprendre ces représentations différentes des nôtres. Comment prouver scientifiquement que le Starbucks est bien là, même s’il n’apparaît pas sur notre carte ?! Pour ce qui est de l’énergie, les études récentes sur les fascias prouvent que les stimulations se jouent à ce niveau-là. Le lien entre les traditions occidentales et orientales est donc cette sorte de seconde peau, qui englobe muscles et organes, qui était simplement mise à la poubelle lorsque nous découpions les corps pour comprendre leur fonctionnement, pensant que cette matière ne servait à rien !
Elle ne figurait pas sur la carte ! …

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Day #7 – dimanche 17 février 2019
Étudions à nouveau la carte du Yoga. Celle-ci trace les frontières d’un territoire où règnent calme, bien-être et paix intérieure. Pour ce faire, la discipline propose depuis Patanjali une échelle à laquelle on réfère sous le nom d’arbre du Yoga. Il s’agit d’étapes graduelles qui permettent d’atteindre plénitude et sérénité. (Les novices trouveront ici un chouette post sur le sujet…)
Comme tous les Yogas, le Yin est une occasion d’explorer ce processus : partir du corps, de sa dynamique, pour petit à petit venir vers le subtil, l’invisible, l’intangible.
Contrairement à d’autres pratiques qui visent à renforcer le corps en le mobilisant de manière dynamique, le Yin place les personnes dans des « formes ». On oublie les alignements pour aller dans une direction, et permettre à son corps de mener la danse (petit rappel de la part de Bernie : « Yoga is a dance, not a wrestling match. ») Là où les pratiques physiques et rapides stimulent et mobilisent l’attention grâce à ce qui se passe sur le tapis, le Yin impose une approche différente. Pour tirer les bénéfices physiologiques de la pose, il faut rester passif. Et inactif. C’est bien joli tout ça, mais quid du mental qui ne peut plus alors se focaliser sur le mouvement du corps ?!
Comme le disait Diana Batts, qui a co-animé la formation avec Bernie Clark, les profs ont souvent à cœur de distraire leurs élèves (c’est mon cas : le Yoga m’inspire, je profite de la pratique pour en parler !). Diana, elle, s’avise que les pratiquants sont bien installés, puis une fois qu’ils sont dans leur pose, elle n’intervient plus. Et elle s’amuse de dire : « Vous entendez le silence, en tant que prof, mais je vous assure que leur esprit est tout sauf silencieux !!! »
Un des gros enjeux du Yin est d’occuper son mental. C’est une pratique idéale pour qui veut « méditer » dans les postures (J’ouvre une parenthèse, j’entends « méditer » au sens commun du terme. Je mets des guillemets au terme, parce que l’usage du terme « méditation » est totalement galvaudé (ceci sera l’objet d’un prochain post !) Il s’agit plutôt de se concentrer, et de le rester. L’état de méditation arrive après !)
Revenons-en à notre esprit donc. Que faire de lui pendant que le corps travaille yinement ? C’est un enjeu majeur pour le pratiquant parce que son mental aura souvent une réaction quant à ce qui se produit physiquement. Envie de modifier légèrement la posture ; agacement, colère, tristesse, irritation : réactions émotionnelles en cascade ; ou bien esprit qui vagabonde… le champ de réactions est vaste. La pratique constitue le moment de se concentrer et canaliser son attention. L’intérêt est double.
1/ Les études montrent que la concentration favorise la sécrétion de sérotonine, la fameuse hormone du bonheur… (Adieu dépression !) En plus de modifier nos chemins neuronaux et de nous transformer durablement.

Formule topologique de la molécule de sérotonine

Cette concentration peut se faire sur la respiration, sur l’observation des sensations liées à la posture (on peut en revenir à la question : « Qu’est-ce qui m’arrête ? » et chercher à y répondre. Ainsi on augmente sa proprioception (et donc au passage sa connaissance de soi – aka svadhyaya).
2/ On perçoit également que l’on est bien davantage que son enveloppe charnelle en sentant l’énergie circuler en soi. En prenant conscience des courants énergétiques qui nous traversent, nous constituons une nouvelle carte de notre espace intérieur, un espace subtil, plus difficile à observer : petit-à-petit devenir plus grand que ce qu’on a toujours pensé être !

Modifier sa carte intérieure, encore est toujours, parce qu’elle ne sera jamais le territoire !!!

Comments 6

  1. hello jolie fille,
    j’adore ces petits textes
    continues mais gardes du temps pour toi
    je me rejouis d’avance pour le 13 et 14 avril car tu auras beaucoup de choses à nous faire decouvrir youpi

    1. Post
      Author

      Merci à toi Grande Dame ^_^. Je vais tâcher de penser un peu à moi, mais je suis venue avant tout pour me former. Et je ne regrette vraiment pas (paillettes dans les yeux/licornes et arc-en-ciels dans la tête).

  2. Je me régale de chaque instant lorsque je te lis! Tu es une véritable source d’inspiration ! Même en Inde dans le temple du ‍♀️… je reste en contact avec cette soif d’apprentissage à tes côtés Juste connectée à ce que tu livres MERCI

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